Premier retour en Corée
Texte,
en cours
#019
[Deux ans après mon départ en France, je rentre en Corée pendant les vacances d'hiver].
[Note - Vendredi 11 décembre 2009, une heure de l'après-midi, dans le train pour Paris]
Le temps passe vite et avant même que je m'en rende compte, je suis assise dans le train.
De courts adieux, de courtes rencontres, de longs adieux, de longues rencontres.
Des scènes que j'avais oubliées me reviennent en mémoire et je suis submergée d'émotions d'un seul coup. Je n’arrive pas à m'habituer à ce sentiment.
Le poids de mon sac à porter.
La rivière qui coule grossièrement.
L'assiette sur la table qui garderait encore ma chaleur. Et Lei qui resterait assis là, seul.
À présent, le soleil entrerait par la fenêtre de la chambre.
La fenêtre s'ébranlerait par le mistral.
Sans penser au temps, l’idée d’être si loin me gèle un coin de mon cœur.
Alors que je n'ai pas vu ma famille depuis deux ans...
J'aperçois au loin la montagne triangulaire paisible et je ressens un léger mal de tête et des brûlures d'estomac.
J'ai encore un long chemin à parcourir...
Pour ce voyage, je ne veux pas être seule. Suis-je déjà habituée à la vie deux ?
‘Je reviendrai, attends-moi s'il te plaît.’
[Vendredi 11 décembre 2009, 20 h 20]
L'avion pour Séoul, Asiana Airlines, siège 17D, journal coréen, les coréen·e·s, langue coréenne, sentiment d’inconnu.
Je voulais m'asseoir près du hublot et regarder les nuages, mais j'ai fini par m'asseoir au milieu.
Onze heures de vol, je serai arrivée après un sommeil profond.
Ce n'est toujours pas facile de prendre un avion. Je suis anxieuse, j'ai peur.
À mon arrivée, je rencontrerai en premier mon père.
Et puis, un par un, ma grand-mère, ma tante, ma mère, ma tante-maman, mon oncle, mon cousin Inhyeok, ma sœur aînée, mes neveux Hayoung et Jinwoo, mon frère aîné, mon beau-frère, le grand frère de mon père et mes ami·e·s.
Je vais serrer très fort mon père dans mes bras. Je vais tous les embrasser.
Le commandant de bord annonce le départ.
J'ai moins peur que la première fois que je suis venue en France.
Onze heures de vol, ce ne sera pas aussi loin que je le pense.
Par ailleurs, il me semble très loin quand je pense à Lei.
Je n’arrive pas à écouter la musique.
Le journal coréen, je ne sais pas de quoi il parle.
L'avion, mung———mung———(son noir) bouge.
Distance restante : 8924 kilomètres.
[Note - Dans l'avion Paris-Séoul, samedi 12 décembre 2009]
Deux heures avant l'arrivée, 13 heure au point d'arrivée, 5 heure au point de départ.
Nous survolons les montagnes de l’Oural et nous dirigeons vers Pékin.
Il reste 1720 kilomètres.
[Note - Samedi 12 décembre 2009, 15h30]
Je suis arrivé en Corée du Sud.
Après avoir prévenu mon père de ma position depuis une cabine téléphonique, nous nous sommes retrouvés. Cela faisait deux ans qu’on ne s’était pas vus.
La vue de la Corée depuis la fenêtre de la voiture n'était ni étrangère ni familière.
Avant de rentrer chez mon père, nous avons acheté beaucoup de fruits de mer au marché aux poissons de Noryangjin, et au dîner, j'ai dégusté un ragoût de fruits de mer préparé par mon père pour la première fois de ma vie.
[Note - Lundi 14 décembre 2009]
Retrouvaille avec ma mère après une longue absence.
Je ne sais pas comment elle se sentait, mais elle avait l’air en forme, j’étais soulagée.
Pour ma grand-mère, ma mère et moi n'étions que des étrangers, et son regard était vide. J'étais triste. En discutant à côté d'elle, j’appelais ma mère secrètement « Maman » pour la première fois.
[Note - Mardi 15 décembre 2009]
Dans une grande ville, il y a tant de choses à savoir et à faire, et elle déborde d'informations, de gens, de voitures et de machines. Tout cela me paraît trop fatigant et dénué de sens. Et il est effrayant que ces actions insignifiantes dans une grande ville soient considérées comme normales, tout comme la structure économique qui les entoure. Combien de temps encore pourrai-je supporter ce puzzle qu'est une grande ville…
[Note - Mercredi 16 décembre 2009]
C'est dangereux de sombrer dans l'illusion. Je dois me faire arracher trois dents de sagesse.
[Note - Jeudi 17 décembre 2009]
J'ai fait un rêve étrange. C'était effrayant, je suppose. Quelque chose de rouge. Quelque chose qui essayait d’embrouiller ce que je suis. Aujourd'hui, c'est jeudi. Bilan de santé vendredi matin, départ à Busan l’après-midi.
[Note - Dimanche 20 décembre 2009]
En repensant aux sentiments qui me restent, je me demande si ces brèves rencontres étaient la réalité.
Je suis une visiteuse. « Toc. Toc.» Je rends visite aux gens et je repars une fois ma visite terminée. Je ne suis qu'une visiteuse qui ne peut rien partager avec eux.
Hyojin est une visiteuse qui m'apaise. Je veux aussi faire quelque chose pour les autres, pour mes visiteuses et visiteurs. Je voudrais leur raconter de bonnes histoires.
[Note - Mardi 22 décembre 2009] - le jour d’anniversaire de papa
Quand je me suis réveillée le matin et que je suis sortie, il y avait beaucoup de neige devant la maison de mon père, alors j’ai déblayé diligemment la neige.
[Note - Jeudi 24 décembre 2009]
Le réveillon de Noël, je suis seule.
Je me sens encore plus seule ici.
[Note - Lundi 28 décembre 2009]
La lune est de plus en plus pleine, et 16 jours se sont déjà écoulés. Je remonte dans l’avion avec l'impression de ne pas avoir repris mon souffle. J'essaie d'ignorer les larmes qui sont sur le point de monter et de cacher mes regrets.
[Note - Mercredi 30 décembre 2009]
J'étais calme sur le chemin de l'aéroport avec mon père, jusqu'à ce que nous prenions le dernier repas.
Je ne voulais plus rester en Corée, mais à l’idée de laisser mon père seul, les larmes que je retenais jaillissaient et je les versais.
Espérant que tout ira bien je repars.
Au revoir.